Compte tenu du grand nombre de volcans presque parfaitement coniques, je ne pouvais pas m’empêcher de satisfaire ma curiosité (voir chap. 6.5 de mon livre « Danse avec le Vent« ) en allant chatouiller les pieds de ces volcans sous le vent de la brise d’Ouest qui souffle chaque après-midi avec 10 – 15 kt. Lors de mon premier vol le 7 novembre, les thermiques (purs) ne permettaient pas d’atteindre les sommets, les pentes ne fonctionnaient évidemment pas avec si peu de vent sur un cône, je vais donc tenter de passer derrière le Licancabur, tant pis pour la frontière bolivienne, une fois passé le col (4.500 m), je suis en local de San Pedro. Super, ça marche comme dans le livre !
Tracé du vol du 7 novembre à l’aller et au retour sous le vent du volcan Licancabur, et photo. Les zones blanches ne sont pas de la neige (nous sommes au tropique du Capricorne), mais soit du sel gemme, soit du gypse, quelquefois du borax, ou un mélange. Nous atteindrons presque l’altitude du sommet (5.916 m) et poursuivrons notre parcours en allant chatouiller tous les volcans dans leur zone de convergence, et tous fonctionneront. Ce n’est certes pas violent mais beaucoup plus sûr que les rares thermiques purs qui ne nous ont jamais permis d’atteindre 1.000 m sol, sol qu’il vaut mieux d’ailleurs ne pas regarder et se contenter de vérifier la finesse sur l’aéroport de dégagement choisi. Pour mon pilote « légal », un jeune lâché en avril avec 40 heures de vol, cette promenade aura été le vol de sa vie, d’autant que j’ai tenu à lui laisser les commandes le plus longtemps possible.
Le volcan Juriques semble être un bloc de cuivre. Le cratère est entièrement chilien, la frontière fait le tour. Sa pente Ouest est en phase avec la convergence du Licancabur, ce qui simplifie les choses.
Observer la dégradation des cumulus en ce début d’après-midi, c’est le phénomène d’hiver bolivien, une entrée d’air humide de la plaine Amazonienne.
Le 11 novembre, je répéterai cette expérimentation avec Jean-Pierre autour des volcans San Pedro (6.130 m) et San Pablo (6.080 m), dans une situation beaucoup plus complexe car nous arriverons sur les pentes avec du vent de secteur sud 25 km/h jusqu’à 5.000 m, lequel tourne à l’ouest puis au nord-est 15 – 30 km/h dès 5.200 m. Il a donc fallu repasser côté vent et monter en pente dans la masse d’air de nord-est puis repasser sous le vent dans cette même masse d’air et remonter en convergence. C’était bien compliqué et de toute façon les situations de nord-est ne sont pas exploitables en sécurité car la masse d’air est chaude et humide, provenant directement de l’Amazonie, voir plus loin « l’hiver bolivien ».
18h00 Montée en thermique faible avec l’aide du moteur par brise montante de Sud 23 km/h, qui s’arrête vers 5.000 m en tournant clairement à l’Ouest. Décision de faire le tour du volcan par l’Ouest.
18h31 La pente Ouest ne porte pas, le vent tourne au Nord. A 5.300 m, tentative de vol de pente coté Nord-Nord Est, vent 31 km/h. Nous atteignons juste le sommet, aidés par un thermique juste dans le cratère. Beaucoup de fractos naissent et meurent rapidement à notre altitude, le ciel est toujours couvert 8/8 par cirro-stratus.
19h00 Nous sommes repassés sous le vent des volcans à la recherche de l’onde de convergence, qui existe mais plafonne à 5.700 m, avec un vent de N-NE de 26 km/h. Nous nous trouvons exactement sur la position de notre montée initiale en thermique par vent de sud. Exactement comme prévu, mais, comme pour toutes les convergences rencontrées durant notre séjour, nous ne monterons pas plus haut que le sommet.
L’analyse de ce vol faite a posteriori par SkySight (« reforecasting » d’avril 2020) montre clairement les 3 couches de directions opposées et la présence d’un ressaut par Nord Est exactement là où nous l’avons exploité. SkySight confirme qu’il n’y avait aucune possibilité de dépasser 6.500 m puisque le vent faisait un quart de tour à ce niveau. La couverture nuageuse totale vers 6.500-7.000 m est également confirmée. J’avais noté la présence de nuages témoins probables de mouvement ondulatoire au Nord Est de nos deux volcans, mais ma tentative (infructueuse) était juste un peu trop au Nord. Je n’ai pas insisté car nous ne connaissions encore rien de l’atterrissabilité locale, et SkySight n’était pas encore au point.
Le lendemain nous irons en camioneta 4×4 explorer la région et découvrirons le « potrero », terrain vachable (même s’il n’y a pas de vaches dans ce pays !) et même redécollable, du plateau d’Ascotan. Mais pour décoller à 4.000 m avec le bon vieux Limbach, le passager doit rentrer en stop et le carburant réduit au minimum !