Première décision, première erreur: le réveil à 4h, c’est trop tard. Bien que la préparation des pilotes et la mise en piste se déroulent sans aucun problème, nous décollons à 6h27 alors que nous étions autorisés à le faire à 5h40. Le prochain réveil sera donc à 3h30. L’habillage dans la lumière blafarde du hangar à une température digne d’un entrepôt frigorifique tient plus de la cérémonie d’investiture d’un Kamikaze que de la préparation aux joies du vol à voile. Impossible de décrire l’état d’âme lorsque le réveil sonne à pareille heure en vacances, c’est plus du sport, c’est de la torture. Le vent au sol est standard, c’est à dire 30 kt du 300, et passera à 40-55 kt du 260 ±10° entre 4.000 et 7.000 m.
Deuxième décision, deuxième erreur: nous partons avec une déclaration d’aller et retour de 1.000 km vers le Sud, il aurait fallu déclarer 2.000 km. Allez savoir….! Par contre, la direction était la bonne.
Troisième décision, troisième erreur: le point de départ à 20 km dans le SW du terrain n’est pas bon et je coupe le moteur trop tôt et trop près du terrain. J’avais choisi ce point car situé sous le vent d’une crête bien orientée et connue pour ses ressauts, mais il aurait fallu y aller au moteur, les ascendances locales étant plutôt molles, 1 à 2 m/s. Nous le passons à 7h18, soit une demi heure plus tard que si nous nous étions « largués » directement sur le point (photo 4).
A partir de maintenant, c’en est fini des grosses erreurs, avec même quelques décisions plutôt chanceuses. La cordillère est totalement bouchée, aucun relief n’est visible, et nous suivrons « on top » les ondulations de la couche alors que la pampa, à seulement 30 km à notre gauche, est bien dégagée avec des lignes de cumulus bien marquées, mais apparemment sans relief. Il nous aura fallu 200 km pour comprendre (les vols précédents nous l’avaient pourtant clairement suggéré) que ce n’est pas la Cordillère qui crée les meilleures ondes, mais les petites collines et autres mesetas de la pampa, avec seulement 500-1.000 m d’altitude, dans une masse d’air fortement « foehnisée » et donc séchée et stabilisée par la Cordillère.
Aéroport commercial
Bariloche Départ 20/12 06:59
Entrée maritime Altamiran
20/12 11:04
Au cours des vols successifs, nous devrons même nous reculer de 100 km par rapport à la chaîne principale pour naviguer le long de ressauts matérialisés uniquement par des cirrus vers 10.000 m mais incroyablement « énergétiques ». A se demander s’il ne s’agit pas là d’une onde différente, à un seul ressaut que j’aime identifier sous le nom de « saut de Bidone », physicien italien qui a découvert ce phénomène vers la fin du 19e siècle, et, selon moi, à l’origine de celui observé dans les Alpes ou les Pyrénées, lorsqu’un seul nuage matérialise un seul ressaut sur plusieurs centaines de km de long, parallèlement à la ligne de crêtes.
Bref, arrivés à Esquel, soit 200 km, nous basculons deux fois sur les ressauts plus arrières, plus secs. Les sommets des nuages sont entre 3.000 et 4.000 m, et ne montons pas au-dessus de 5.000 m, pour ne pas perdre de temps, car les Vz ne sont « que » 2 à 3 m/s.
Vers 10h et 300 km, du côté de Corcovado, le ciel change et se ferme, les nuages s’orientent parallèlement au vent, les ondulations de la couche se font plus difficiles à identifier et notre altitude dégringole tout doucement (photo 5). Gyroscopes en marche par sécurité, vérification du petit local de José de San Martin, le temps de comprendre qu’une entrée maritime est en train de tout gâcher et le calage du Mac repasse à zéro. Plus question d’aller vite, il faut rester en vol. Correction à gauche 30° vers un trou sur la pampa qui promet, et qui tient ses promesses.