La cerise sur le gâteau des vols de fin janvier 2008 a été le vol en thermique avec des hordes de condors: ce sont les jeunes qui font de l’école de vol à voile par groupes de 5 à 10 avec un ou deux adultes qui leur apprennent le centrage et les manœuvres.

Nous avons eu la chance de faire la connaissance des très sympathiques Christian Höller et Diego Vallmitjana, parapentistes locaux et réalisateurs des films et reportages photographiques sur la vie du condor, qui devraient sortir sur les écrans dans les prochains mois. La bande annonce du film peut être visionnée en streaming ou téléchargée ici . Des images extraordinaires à ne pas manquer!

Christian a montré un grand intérêt pour nos vols car, ne pouvant voler en parapente les jours de vent fort, nos récits sur les observations des condors en vol d’onde représentent pour lui le maillon manquant dans la chaîne de la vie du condor. La superposition de nos trajectoires en onde et de celles des condors montre des similitudes décisionnelles troublantes. Comment ces oiseaux peuvent ils connaître les points de déclenchement des ondes vu qu’ils s’y rendent directement lors d’une transition entre deux montées? Pourquoi volent ils si loin et si haut à l’intérieur des montagnes alors qu’ils se nourrissent de charognes au sol et en plaine? Apparemment, selon l’ornithologue Lorenzo Simpson, ce serait pour leur seul plaisir, ou du moins serait ce la réminiscence d’une caractéristique génétique acquise venant de l’époque (pas si lointaine, à peine deux siècles) où l’absence d’élevages les obligeaient à de longs déplacements pour trouver la nourriture. Le vol n’étant qu’un moyen, pas une fin, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, puisque la pampa leur fournit les carcasses de moutons ou de vaches en abondance (maladies, accidents, prédateurs, coups de froid, surplus des casse-croûte des gauchos, etc.). Décollage chaque matin pour se nourrir en local de la Condorera (en bord de plaine), puis ce sont des centaines de kilomètres parcourus chaque jour avec retour chaque soir au bercail. La Condorera est le lieu (en général des falaises pleines de cavités) où vit une colonie de condors, qui est une société organisée avec ses règles et ses hiérarchies, sauf lors de la ponte et de l’élevage du « poussin », où le couple construit un nid isolé et y élève le « petit » pendant plus d’un an. La Condorera la plus connue de Bariloche, le cerro  La Buitrera, n’est qu’à 10 km de l’aéroport, est accessible en 4×4 et possède un refuge où l’on peut y passer la nuit pour y observer les oiseaux de près, avec jusqu’à 140 individus recensés. Elle est bien évidemment un point classique de déclenchement d’onde et de thermique, située en bord de plaine, et ressemble étrangement aux « pénitents » de Saint Auban. Décidément, les similitudes entre cet oiseau et le vélivole sont troublantes.
Le condor, oiseau volant le plus grand de notre planète, d’une envergure atteignant 3 mètres et pesant jusqu’à 12 kg, pouvant vivre jusqu’à 70 ans, est en fait un animal profondément grégaire et en apparence très amical, peu craintif (au point qu’il ne défend pas son nid), dont les règles de comportement social sont étonnamment développées. Dépourvu de griffes ou de serres et de bec pointu, il ne peut attaquer et son caractère reflète cette incapacité fonctionnelle. Après avoir passé de 6 à 9 mois dans le nid, nourri par des parents faisant couple fixe pour la vie, le « poussin » va encore passer 9 mois supplémentaires à apprendre à voler sans être capable de se nourrir seul, donc toujours dépendant de ses parents. Oui, il faut près de 18 mois à un condor pour être autonome, et plus de cinq ans pour devenir sexuellement adulte. C’est pour cela que la femelle ne pond qu’un œuf tous les deux ans.

Et lorsqu’arrive l’âge de voler, les adultes organisent de véritables cours collectifs pendant lesquels des « instructeurs » (pas nécessairement les parents) emmènent un groupe de jeunes « travailler » le vol à voile pendant des heures, à des dizaines de km de leur nid. Et quand on a la chance de tomber dans ce « tas de plumes », c’est un vrai régal que de jouer avec eux. Il est d’ailleurs facile de les distinguer, les jeunes étant uniformément bruns (et le resteront jusqu’à l’âge adulte) et ont un vol « saccadé », mal organisé, les pattes ballotantes, alors que les adultes sont noirs et blancs avec une collerette blanche autour du cou, et ont un vol majestueux dans une position élégante et linéaire (Photo O). Plus de détails sur le Smithsonian National Zoological Park.

Le Cerro La Buitrera est caractérisé par des milliers de trous qu’utilisent les condors pour s’y reposer. Contrairement aux idées reçues, le condor est tout le contraire d’un animal solitaire et farouche! Il ne demande qu’une chose: être en bonne compagnie et voler pour le plaisir, haut et loin. Comme nous!
Rendez-vous est donc pris en novembre prochain pour continuer la recherche en planeur. Dans l’espoir de découvrir encore quelque secret….