En effet, un seul centre de hautes pressions positionné à gauche de notre position n’est pas à lui seul suffisant pour bloquer la forte circulation d’ouest existant en permanence dans cette région. Il peut tout juste la dévier. Comme l’anticyclone tourne dans le sens antihoraire, nous sommes alors gratifiés de vents de sud, froids, secs et stables, qui nous génèrent des ondes sans lenticulaires avec quelquefois 1/8 de rotors, identiques à celles des Alpes, créées par chaque relief isolé, sans aucune synergie entre elles, montant au maximum vers 4.000÷5.000m avec des varios moyens de 1 m/s. En conséquence pas moyen d’aller ni vite ni loin (1.000km à plus de 100 km/h, tout est relatif!), puisqu’il faut voler à l’intérieur de la cordillère, où il y a peu de terrains de dégagement. En revanche, c’est une excellente situation pour l’entraînement car elle oblige le pilote à « lire » le terrain et le ciel afin de deviner la position du prochain ressaut, sachant que les raccrochages bas sont à proscrire et que les terrains de secours habituels ne sont plus accessibles en finesse 100 comme d’habitude, puisque le vent est plein travers et moins fort. Nous avons ainsi pu découvrir les Andes dans leur immense beauté vierge de toute contamination humaine, la ligne bleue du Pacifique face à nous, les yeux pouvant s’abandonner à la contemplation sans le stress du « netto » ou de la « moyenne ».
Fig. C
C’est dans ces conditions atypiques que Philippe a fait connaissance avec les ondes andines le 4 décembre, la carte TEMSI (Fig. C) mettant bien en évidence le système totalement anticyclonique sur tout le pays tout en laissant passer un flux de S-SW avec des vents de 20 kt à 3.000m, suffisants pour se faire plaisir.
Fig. D
Le météogramme (fig D) montre bien la haute pression (1.024 à 11h UTC) et malgré tout des vents du 190-200 de 25-30 kt à 5.000m avec des ondes isolées bien établies. Observer la température le matin à 8h UTC soit 5h locales: 0°C avec -2°C sensible. Et pourtant nous sommes à deux semaines de l’été, avec la canicule 10 jours avant et 10 jours plus tard. C’est aussi le charme de ce pays, on ne s’ennuie pas avec la météo! Le décalage horaire à cette saison était UTC -3, puis est passé à UTC -2 avec l’heure d’été.
Fig. E
La fig. E montre les vents à 3.000m à 9h locales, on y voit bien la forte composante sud depuis Bariloche jusqu’à la « fin du monde », ainsi que le thalweg passé la veille, maintenant 1.000km à l’est. Noter qu’à Bariloche, les vents au sol sont toujours du secteur W pour cause de relief pour des vents de gradient allant du S au NW. Au-delà, ils sont N ou E, mais dans ce cas le décollage n’est pas possible pour cause d’obstacle au QFU 12. De toutes façons, le vent d’Est signifie, ici comme dans les Alpes, plage ou parapluie, en tout cas pas vol à voile.
Novembre aura été capricieux avec 10 jours de vol d’onde sur 18 de présence, mais nous a offert les plus belles situations de saut hydraulique, celui que j’ai baptisé « saut de Bidone » en mémoire de cet hydraulicien de Turin qui en a écrit les équations il y a près de deux siècles, en 1820. Je développerai ce thème dans un prochain article. Le mois de décembre est habituellement le plus propice aux grands vols de par la durée du jour (presque 16 heures volables), des températures plus clémentes et encore suffisamment d’énergie ondulatoire, novembre étant habituellement plus violent mais souvent pluvieux avec des journées plus courtes et plus froides. Cette année, seulement 17 jours ont été volables en onde en décembre, et encore, jamais une journée entière de 16 heures et jamais avec des conditions de record. De janvier, je n’attendais que un ou deux cycles de un ou deux jours, comme ceux qui ont permis aux chanceux des années précédentes de mettre en poche les records sur triangle, mais je n’aurai eu que deux occasions, le 1er janvier (dur, dur, le réveil…) qui nous a valu en direct le spectacle de l’explosion du volcan Llaima (voir plus avant) et le 8, dernier souffle de la saison qui m’a toutefois permis de ne pas rentrer bredouille, avec dans la musette quatre records de France en classe 15 mètres dont le premier aller et retour de 1.000km et 1.450 km sur 3 points. Merci EPSON Météo!
La bonne surprise de janvier aura été le thermique, mais il a fallu attendre le 19 janvier pour goûter aux beaux cumulus avec bases entre 3.000 et 4.000m, altitude nécessaire pour se promener en sécurité lorsqu’il n’y a qu’une piste posable tous les 100km. Un des côtés fortement ludiques de ces conditions est que l’on fait finalement connaissance avec le paysage puisque par principe on raccroche relativement bas en local d’une piste au milieu du désert ou dans les cailloux, ceux là même que l’on survolait en onde à plus de 4.000m et que l’on ne voyait que très rarement pour cause de couche nuageuse. Je dois avouer que j’ai vraiment éprouvé un immense plaisir à gratter les moustaches des alpinistes (pardon, des andinistes) le long des pitons du Cerro Catedral, une fois même accompagné d’un guide du club andin!