Le ciel est beau mais « mou », le vent aussi, inférieur à 60 km/h. Les Vz netto sont particulièrement décevantes. Les bandes de strato-cumulus semblent s’évaporer en direction du point de virage (voir photo satellite à 12h45 avec notre position), les valeurs de Vz, de l’ordre de 1-1,5 m/s, sont insuffisantes pour maintenir l’altitude à une vitesse sol acceptable.  Au bout de 250 km de surf incertain, à 13h24 UTC, nous sommes contraints de nous arrêter 20 minutes entre 4.000m à 6.000m pour refaire le plein dans un petit 1,6 m/s moyen. Je ne voulais à aucun prix descendre sous les bases des strato-cumulus, c’est l’inconnu le plus absolu sur un territoire qui ressemble plus à la planète Mars qu’à notre bonne vieille terre.  C’est maintenant que ma stratégie de route commence à payer : j’avais expressément choisi de rester plus au sud de la route afin de pouvoir profiter du vent arrière pour dégager en cas de difficulté. Et cela fonctionne bien, nous faisons le plein à 7.300m dans le dernier ressaut matérialisé avant le point de virage, maximum autorisé par le centre de contrôle de Comodoro, avec une moyenne de seulement 2 m/s. Si c’est ça l’Amérique, on n’est pas au bout de nos peines…

Départ vent plein arrière jusqu’au point de virage, à 300 km/h de vitesse sol: 8 min pour parcourir 41 km pour à peine 150 km/h de vitesse indiquée, soit une finesse de 135. La moyenne est de l’ordre de 110 km/h, on n’est pas dans les temps du record de vitesse, mais la distance est encore jouable. De toutes façons, vues les circonstances qui ont provoqué cette tentative, le mot « renoncement » ne nous viendra jamais à l’idée. C’est avec un petit pincement au coeur que nous jetons un dernier coup d’oeil sur la ligne bleue matérialisant l’océan Atlantique de la baie de Trelew. C’est en effet dans cette ville côtière que s’est déroulée la tragédie conclusive de Vol de Nuit, de Saint-Exupéry. Heureusement pour nous les conditions sont nettement meilleures que celles du bouquin, les bandes de strato-cumulus se confondent avec les lenticulaires, générant des espèces de champignons ayant leurs bases vers 3.000m et leurs sommets entre 6.000 et 7.000m. Mais un coup d’oeil au compas me fait comprendre que ce ne sera pas pour nous, ils sont situés très au sud et il nous faut nous dérouter à l’ouest à la fois pour revenir sur la trace et, comme pour la première branche, pour nous réserver une possibilité de dégagement vent arrière vers l’est en cas de difficulté. L’Ouest est en effet très chargé, nous n’y voyons que du blanc.