Nous rentrons les yeux pleins de beaux souvenirs, mais ce ne sont pas les mêmes qu’il y a dix ans, où la distance était l’épreuve reine. L’aller et retour de 1.000 km a été l’épreuve la plus difficile, tant vers le Nord que vers le Sud, une seule fois pour chacune, et pour personne d’autre.

Celui vers le Nord étant ce fameux 30 décembre, le jour où la température à 6.000 m n’était que de -4,8°C et de -13,5°C à 7.000 m. Une anomalie aussi puissante s’est évidemment traduite par un système ondulatoire totalement atypique, des vents très forts, jusqu’à 180 km/h pour des Vz parfois misérables, des longueurs d’ondes jusqu’à 20 km, en opposition de phase avec les reliefs « mythiques » de la Cordillera del Viento et du volcan Domuyo, que nous devrons « astiquer » dans la lessiveuse par le bas alors qu’en 2002 il me donnait 15 m/s. Voici le compte rendu publié sur planeur.net :

Prévision de vent très fort, 70 à 80kt à 5.000m, pluie jusqu’en fin de matinée. Place un A/R standard de 1.000km vers le nord. Décollage après la pluie, 5 min de moteur pour démonstration de l’accrochage à partir de la pente, départ ultra mou à 4.800m, impossible de concilier altitude et vitesse de croisière, nous nous traînons pendant plus de 100km entre la base des nuages et leur top, trop haut pour passer par-dessus au vu des Vz. Finalement, au km 130 (16h58) sommes obligés de nous arrêter pour monter et nous mettre en local de Zapala avec moins de 2.000 m de sécurité afin d’espérer accrocher un ressaut avant l’éventuel atterrissage. Le vent passe de 100 à 130 km/h au maxi de 5.300m mais ça tombe bien car il est ¾ arrière pour Zapala où nous arrivons à 3.200 (2.000 m sol) et la situation est totalement différente, un autre monde. Rotors, saucissons, lenticulaires, c’est tout ce que nous souhaitions. L’orgie s’arrête dans la vallée de la Cordillera del Viento, vierge de toute matérialisation sauf un énorme lenticulaire isolé situé 10km sous le vent de la ligne énergétique habituelle, exploité jusqu’à 7.300m, car le futur n’est pas clair. De fait, toute la chaîne et le volcan Domuyo (4.713m) sont coiffés d’un énorme saucisson de chapeau (photo 7)

qui est fait un lenticulaire généré par la chaîne qui les précède. Ils sont donc en opposition de phase et la vallée habituellement si merveilleuse, est morte. A 19h13 décision de traverser la Cordillère pour exploiter ce saucisson en espérant utiliser les pentes si nécessaire. Montons péniblement à 6.000m, le point de virage est à 35km, le vent 100-120 km/h à 45° arrière. Perdons 1.000m pour ce petit parcours vent arrière, il est clair que le retour ne sera pas possible sans un arrêt pour remonter. Le point de virage donne moins de 1 m/s, il faut s’arrêter un peu. La traversée du col au retour à 19h57 me donne du souci car le netto reste bloqué à -6 m/s et avec 100 km/h de vent de face, il faut voler calé à + 5.

Passons le col avec moins de 500m…. Les pentes du Domuyo sont inexploitables, une machine à laver, incompatibles avec la maniabilité de mon engin. De plus le vent a tourné au 320° et tombe à 40 km/h. Il doit y avoir une convergence quelque part. Au bout de 10 min, nous abandonnons et partons face à l’ouest dans l’espoir de la trouver, elle est bien là. A nouveau 6.000m, le reste est classique. Sauf que le vent forcit à 140 km/h, un peu de face. Le futur vers Bariloche étant incertain, nous montons à 8.000m juste pour « sauter », le vent passe à 185 km/h toujours 250-260°, donc fortement de face ! A 22h22, il reste 2 h avant la nuit et 250 km, devant nous du bleu pour 100km puis une mer de nuages indéchiffrable avec le soleil rasant. Faisons le point sur les options et tentons la traversée avec décision de déroutement sur Piedra del Aguila (dégagé) si ne voyons pas Bariloche 1h avant la nuit. Autre problème, l’horizon artificiel est en panne donc pas de percée IMC possible. Nous perdons 4.000m pour faire cette traversée de 120km, accrochage du 3ème ressaut du volcan Chapelco photo 8), contact radio avec Bariloche qui confirme les conditions VMC et le reste n’est que du bonheur à l’état pur, après tant d’incertitudes. Posés 1h avant la nuit noire.