J’avais lancé l’expédition « Atacama » dans l’espoir de rapporter des beaux souvenirs en thermiques « volcaniques » sous cumulus. En fait, nous vivrons « l’hiver bolivien », techniquement l’hiver altiplanique, qui fait mourir nos beaux nuages à 14h.

Bref, je me sens comme dans la peau de ce navigateur Génois qui cherchait les Indes et a trouvé l’Amérique. En fait de thermiques volcaniques, j’ai découvert une nouvelle expression de l’onde de gravité, que j’ai baptisé en urgence « l’onde tropicale ». Reste maintenant à comprendre comment la partager et en faire profiter mes compagnons de passion.

Nous rapporterons donc de bonnes surprises concernant les phénomènes ondulatoires auxquels personne ne s’attendait, ondes de convergence, de ressaut, sauts hydrauliques, de Bidone. Certes pas pour faire de gros chiffres en termes de kilomètres, du moins pour l’instant, mais pour le plaisir des yeux et le confort de l’équipage, on ne peut pas faire mieux, et un potentiel immense. 

Avant de partir, j’avais demandé aux pilotes de Santiago à quelle température nous devions nous préparer pour voler à 7.000 – 8.000 m sous les tropiques. On m’a répondu « -20°C », d’où une valise entière de combinaison de vol, chaussettes chauffantes, surbottes, gants, etc. Quelle erreur ! A ma grande surprise, Jean-Pierre, pour le premier vol avec moi, part pieds nus dans ses sabots (photo). Il n’a jamais changé, il a juste ajouté une paire de socquettes légères pour les jours de doute. Par chance, la verrière du S10 permet d’avoir du soleil sur les jambes, mais même à 6.000 m, la température a toujours été positive. Le comble de la surprise a été lors du dernier vol en onde, à 8.000 m en chemisette comme en plein été chez nous en thermique (photo). Quand aux turbulences et aux rotors, c’est totalement inconnu à toute altitude, même en rotor matérialisé. Juste quelques frémissements tout en bas lorsque le mouvement ondulatoire se met en place, vers 500 m sol (soit 5.000 m MSL).

Jean-Pierre en Croc’s à 6.000 m. Nous n’avons jamais vu de température négative à cette altitude, plutôt entre +3 et +5°C, et comme le soleil chauffe les pieds avec l’effet parabolique de la verrière, c’est très agréable.

Gerhard en chemisette à 8.300 m, apparemment très satisfait. Température externe -10°C mais la verrière chauffe tellement fort qu’il faut ouvrir l’aération à fond.

Cette désignation personnelle « Onde Tropicale » est sans doute inappropriée car peut prêter à confusion avec celle bien connue des météorologues, définie par Wikipedia comme étant « un creux barométrique (ou talweg) des tropiques qui peut mener à la formation de cyclones tropicaux. Ce creux dans l’écoulement rectiligne de l’air prend naissance lorsque la zone de convergence intertropicale remonte vers le pôle en été dans un hémisphère… Donc une onde tropicale est une ligne de violents orages formés de tempêtes à la base. » Aucun rapport avec la notre.

Comme nous avons décidé d’approfondir nos recherches sur les causes et les modalités de matérialisation de ce phénomène, en collaboration avec des experts internationaux, il nous faudra sans doute trouver une autre appellation. Je recevrai bien volontiers toute proposition !

Comment caractériser ce phénomène en quelques mots simples ? Ceux plus compliqués font l’objet d’une étude qui sera publiée au prochain congrès de l’OSTIV en juillet 2021.

  • Vous sortez tranquillement du restaurant après le déjeuner. La température est agréable, entre 25 et 30°C à 2.400 m, il n’y a aucun vent au sol, le ciel est d’un bleu dont on fait les cartes postales, vous vous installez confortablement dans la même tenue que celle du restaurant et décollez vers les volcans.
  • 30 minutes plus tard, vous êtes à 5.500 m sur les pentes, la brise montante n’est que de 15kt et n’est pas suffisante pour monter en dynamique.
  • Vous tournez autour du volcan et passez sous le vent, vous quittez vers 7.000 – 8.000 m car l’oxygène délivré par l’EDS n’est plus suffisant.
  • Le vent à cette altitude n’est que 60 – 80 km/h, ce qui est très peu compte tenu de l’augmentation des performances du planeur, votre finesse a augmenté de 1 ou 2 points mais à une vitesse de 40% supérieure, c’est énorme ! Votre finesse max est maintenant autour de 165 km/h TAS. Surveillez bien la Vne qui n’est plus que 195 km/h indiqué pour le S10.
  • Vous vous calez sous le vent de l’alignement des volcans et vous promenez sur des centaines de km sans vous soucier du vent.
  • Si la chance vous sourit, des nuages lenticulaires peuvent se former, mais ils sont inaccessibles, entre 10.000 et 12.000 m. Éventuellement quelques cumulus-rotors d’un calme absolu vous indiquerons où se trouve le maximum de l’ascendance.
  • En général, plus vous volez haut et plus l’ascendance est forte. Nous avons observé jusqu’à +7,6 m/s à 8.300 m, qu’il a fallu abandonner la mort dans l’âme.
  • Si vous n’avez plus 20 ans, n’oubliez pas de régler l’EDS sur le débit maximum (F20 ou F4 selon les modèles) et surveillez bien la pression, car en-dessous de 70 bar il vous reste moins d’une heure, c’est juste ce qu’il faut pour rentrer ! Relire le chapitre 12 de mon livre « Danse avec le Vent ».
  • Atterrissage tranquille, avec peut-être 10 kt de vent à San Pedro, ou 15-30 kt à Calama, mais bien dans l’axe, aucun problème.

Ce n’est pas plus difficile que ça, c’est à la portée de tous, une fois compris comment ça fonctionne.

Certes, nos systèmes de distribution d’oxygène ne permettent pas de monter plus haut, et même à 7.000 m, vous n’êtes qu’à 2.500 m sol. Ce qui permet d’admirer le paysage. Certes, les bouteilles habituelles, même remplies à leur pression maximum, ne donnent guère plus de 4 heures d’autonomie, et encore, pour des sujets jeunes et en bonne santé. Du pain sur la planche pour la prochaine expédition.

Mais le spectacle en vaut la peine ! quelques souvenirs ci-dessous, les fichiers des vols significatifs sont téléchargeables dans la section « Vols et Records ».

Vous sortez tranquillement du restaurant, vous vous installez confortablement dans la même tenue que celle du restaurant et décollez vers les volcans, une heure plus tard vous êtes à 8.000 m.
Vu du ciel, un autre jour, en regardant vers le Nord-Est, même forme. Entièrement en Bolivie et trop éloigné, aucune chance. Il faudrait disposer d’un équipement d’oxygène permettant de monter à au moins 10.000 m en sécurité.

Position du point « standard » pour prendre l’onde aussi bien au départ qu’au retour, pour assurer au minimum 6.500 m afin d’avoir la finesse 25 sur une finale de 100 km inaterrissable.

Ces mêmes points stratégiques et le col (4.500 m) au bout de la Laguna Verde, dont le franchissement permet de rejoindre l’aérodrome de San Pedro, visible en bout d’aile droite. Les deux volcans sont le Juriques (à gauche) et le Licancabur (à droite). Photo prise 16 km à l’intérieur de la Bolivie. La route visible autour du Juriques est celle du Portezuelo del Cajon, 4.480 m, mais là, il y a un poste frontière avec des gardes armés, c’est le point de départ pour l’ascension pédestre classique du Licancabur par la Bolivie. Le premier lac, la Laguna Blanca, est pleine de sel. La seconde,la Laguna Verde, est remplie de borax.

Est-ce un cumulus ou un rotor ? En tout cas, totalement laminaire, base vers 7.000 m
A gauche, le volcan Lascar, toujours actif, que nous avons décidé de ne plus fréquenter car trop dangereux. A droite, le volcan Aguas Calientes avec son lac de cratère rouge caractéristique.
La Laguna Azul du volcan Chiliques. Le Salar d’Atacama avec San Pedro est visible en arrière plan.

Lors de mon dernier vol, je suis passé par hasard sur ce cratère de météorite (23°31′-67°39′), tombée 56 km au Sud des radiotélescopes ALMA. Le désert d’Atacama est une source inépuisable de fragments de météorites, San Pedro possède un musée où sont conservées 3.000 pièces dont plus de 100 accessibles au public, que l’on peut toucher et écouter ! Ces pièces ont plusieurs milliards d’années, dans ce désert qui en a 200 millions….. Elles sont probablement à l’origine de la vie sur terre. Nous sommes bien peu de chose.