Il y a maintenant dix-huit ans je lançais ma première expédition dans la Cordillère des Andes pour y découvrir les phénomènes ondulatoires dont les pilotes de ligne parlaient en tremblant et les rares vélivoles qui en revenaient avaient les yeux qui scintillaient. Pendant toutes ces années, forts de notre expérience alpine, que je considère aujourd’hui comme la plus complexe de la planète, en compagnie de 120 passionné(e)s venu(e)s de tous pays, nous avons défriché la Cordillère entre le 32e et le 50e parallèle, sur 2.000 km de longueur, par tous les vents sauf celui d’Est
Notre base, San Carlos de Bariloche, se trouvait exactement à mi-chemin et nous pouvions facilement choisir d’aller au nord ou au sud en fonction des conditions. Le point le plus au nord étant le volcan Maipu, entre Santiago et Mendoza, bien connu des Français pour être le lieu du crash d’Henri Guillaumet en Potez 25 le 19 juin 1930 (relire Terre des Hommes), également notre premier record du monde en 2003, l’aller et retour de 2.000 km, répété à ce jour par un seul pilote, Klaus Ohlmann.
Les traces des vols Patagoniens des 20 dernières années : plus de 1.000 fois le même parcours, et seulement 5 pilotes sont sortis de « l’autoroute », pour 5 records du monde en triangle (J.M. Clément, P.A. Desmeules, D. Memmert, K. Ohlmann, J.M. Perrin). Avec SkySight, plus besoin d’aucune connaissance particulière ni d’expérience locale, « l’intelligence artificielle » se charge de vous guider.
Pour aller plus au nord, il fallait, soit prendre le risque de ne revenir que huit jours plus tard (ce que fit Klaus une fois en Nimbus 4DM), mais la structure de mon expédition ne me le permettait pas, soit disposer d’un « avion qui plane bien », autrement dit le Stemme S10, ce que fit Pierre-Alain Desmeules en compagnie de Jean-Marc Perrin en 2010, essentiellement en « mode avion ».
Bref, en termes simples, nous avons fait le tour du terrain de jeu pour un planeur « normal », car la motorisation classique ne permet pas de voyager. De surcroît, le niveau de corruption et de tracasseries administratives de l’Argentine avait découragé tous les habitués, y compris le groupe des Allemands, nous obligeant à passer par le Chili, avec toutes les complications que cela implique. Puis en 2016 l’Argentine trouve un autre moyen de nous mettre des bâtons dans les roues en limitant la permanence sur son territoire à 45 jours par an. Pour moi, en planeur motorisé classique dans son conteneur, c’était la fin de l’aventure. Avec un Stemme, c’est plus simple, il suffit de retourner au Chili au moteur en attendant de bonnes conditions.
Donc plus grand-chose à découvrir, toutes les nouveautés ont été consignées dans mon livre « Danse avec le Vent », tous les points d’onde sont identifiés sur plus de 2.000 km.
Avec l’arrivée de SkySight, la révolution du siècle, plus besoin de connaître l’aérologie, d’analyser les cartes météo, de faire une prévision, pour 80€ par an, tout est disponible pendant le vol sur le smartphone ou la tablette, avec la position du planeur et des ondes à quelques mètres près et la valeur de l’ascendance. Il ne manque que le pilote automatique (aujourd’hui disponible sur le Stemme S12). En d’autres termes, le « 2.000 bornes pour tous », ce que l’on appelait il y a 50 ans « l’ascenseur à couillons ».
Donc pour moi, par manque d’intérêt novateur, fin de l’aventure argentine.