En ce qui concerne notre expédition, tout annuler à deux semaines du départ ne me semblait pas pertinent. Bonne décision car en dehors de quelques déviations pour sortir de la ville, ou trouver les magasins fermés pour la journée, ou renoncer à la visite de la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert du monde (Chuquicamata), notre activité aéronautique n’a été en aucune façon impactée par ces violences, tout le monde ayant intérêt à ce que l’aéroport continue à fonctionner. Le planeur était stationné dans une zone hyper sécurisée à côté des avions de ligne. Un pilote Suisse, impressionné par la brutalité des manifestants lors de l’assaut de son hôtel, a toutefois préféré écourter son séjour et a renoncé à poursuivre ses vacances au Chili.
Du grand hôtel à la banque nationale en passant par les plus petits commerces, chacun se protège selon ses moyens.
En l’espace de deux semaines, après que des vitrines aient été fracturées et des magasins incendiés, les commerçants ont blindé les accès par des panneaux métalliques en réduisant la porte d’entrée à une minuscule ouverture où l’on ne peut passer qu’en baissant la tête, donc sans courir et encore moins avec un frigo sur le dos, la meilleure défense anti-pillage, le plus souvent protégée par un gardien armé. Même la cathédrale Saint Jean Baptiste a reçu son blindage !
L’activité des clubs de planeur de Santiago (Vitacura) et Valparaiso (Olmué) a été volontairement suspendue pendant quelques semaines afin de ne pas générer de jalousies, en d’autres termes, profil bas et laisser passer la tempête ; voler en planeur n’est pas à la portée de tous dans ce pays, c’est une activité clairement élitiste. Ce qui a créé la panique parmi quelques pilotes européens qui devaient expédier leurs planeurs pour les compétitions. Certains ont renoncé, leur planeur ne sortira pas du conteneur. Les vols ont vite repris comme auparavant. Ce qui me fait venir à l’esprit une phrase célèbre du prince Salina dans Le Guépard : « Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que nous changions tout ».
Pour entrer dans les magasins, il faut baisser la tête et sauter la marche, ce qui ne permet pas de sortir en courant avec un frigo ou un téléviseur sur le dos. Même la cathédrale Saint Jean Baptiste a été blindée.