Nous avons donc fait de mauvaise fortune bon coeur et à la fin du compte ce ne sont pas les cendres qui nous ont le plus pourri la saison mais en réalité la météo. En effet, la direction du vent « mauvais », celui qui nous faisait passer le panache sur nos têtes, était d’environ 310°, orientation beaucoup trop Nord pour donner de belles ondes car les masses d’air subtropicales sont trop chaudes et humides et en général anticycloniques, et comme chacun le sait, ce n’est pas tant la vitesse du vent qui définit l’intensité d’un système ondulatoire, mais plus sa température, son gradient de température et sa densité (donc plus froid, plus stable et plus sec signifient onde plus puissante). Ce qui fait que lorsque la direction du vent tournait en dessous de 280°, nous retrouvions la légendaire pureté de l’air patagonien et ses ondes fabuleuses, au point que pris par la rage de voler à tout prix, et compte tenu des conditions météo particulières, nous avons appris à voler par vent de Sud, donc parallèle à la chaîne, la technique étant en fait celle que nous appliquons dans nos Alpes, volant en yo-yo de ressaut en ressaut, de massif en massif (onde positive), de lac en lac (onde négative) avec cette seule différence de n’avoir un terrain posable que tous les 100 km, donc adieu vitesse ! Mais voler profondément à l’intérieur de la Cordillère des Andes est un spectacle inoubliable qui remplace agréablement toutes les moyennes du monde.
La fig. 19 montre la situation du 11 janvier où le vent en altitude soufflait plein sud pour 30 à 40 kt, alors qu’au sol c’était comme d’habitude 20kt du 300°. Situation rare mais non moins intéressante.
Ces anomalies de pression et de température ont été reportées sur la figure où nous voyons la température à 6.000 m en parallèle avec le QNH au décollage. La première observation est que la température a toujours été au-dessus du standard (-24°C). La moyenne est même 10°C au-dessus du standard et c’est à mon avis le phénomène le plus significatif puisqu’il y a dix ans nous étions autour du standard. Un réchauffement de 10°C en altitude est un véritable cataclysme atmosphérique, dont les conséquences sont totalement inconnues, ce phénomène étant apparemment ignoré des météorologues et des climatologues qui ont les yeux fixés sur leurs thermomètres au sol ou dans ce qui reste des glaces polaires. Raison de plus, à mon humble avis, pour redimensionner l’influence de l’homme sur le réchauffement global. Un beau sujet de débats autour de « l’environnementalisme » et de « l’anthropocentrisme » ! Un coup d’œil à la courbe des QNH corrobore parfaitement la descente de l’anticyclone de 1.000km vers le sud, où ne serait-ce pas plutôt le contraire? On pourrait aussi dire que l’augmentation de la température ne serait que la conséquence du déplacement des champs de pression. Messieurs les pros de la météo, à vous la parole, je suis à votre disposition pour relancer le sujet.
En conséquence l’activité a été la plus faible de ces dix dernières années avec seulement 30 journées de vol sur 65 disponibles et 160 heures. La situation s’est dégradée continuellement depuis la mi-novembre, avec des périodes allant jusqu’à neuf jours consécutifs non volables en décembre, essentiellement pour absence de vent due à la position et à la puissance des anticyclones. Les quelques journées de thermique étaient difficilement exploitables à cause des cendres remises en circulation par la convection. Et comme les deux pistes de secours les plus proches au nord et au sud (respectivement 80 km et 100 km) étaient indécollables, personne n’avait envie de risquer un démontage du Nimbus dans les cendres !
La figure montre la situation du 30 décembre après sept jours sans un souffle de vent, par contre très propice à la baignade dans un lac miroir. L’anticyclone du Pacifique se trouve simplement 1.000 km trop au sud et celui de l’Atlantique a pris la place du centre de basse pression, qui est le moteur du système, celui qui « tire » le flux et fait fonctionner les jet-streams. La situation plus au sud était localement très bonne entre le km 500 et le km 1.000, sans espoir pour nous, et tant mieux pour Jean-Marc.