Bien sûr nous n’avons jamais tourné à 200 km/h de moyenne pendant cinq heures, bien sûr nous n’avons jamais pu faire de vol de 16 heures de l’aube jusqu’au coucher du soleil car jamais la météorologie ne nous a jamais concédé une journée entière digne d’intérêt, et par conséquence mon beau rêve du triangle de 2.000 km est reporté sine die, mais voilà donc une bonne raison d’y retourner ! Et comme aucun des huit pilotes stagiaires et des quatre pilotes touristes de passage qui m’ont accompagnés n’était un enragé des records, la satisfaction était totale et l’ambiance des plus sympathiques.

Pour être une année d’anomalies on pouvait difficilement faire mieux. Tout d’abord la crise économique mondiale a entraîné les désistements de tous les candidats au transport de leur planeur personnel. Nous n’étions donc que deux planeurs européens, Klaus avec son DG 400 et moi-même avec le Nimbus 4DM, chacun avec sa remorque, dans un terrain de jeu de 3.000 km de long, ce qui ne nous a pas empêché de nous frôler quelquefois (bien évidemment mon FLARM est tombé en panne rapidement, comme chaque année !). Le toujours vert et souriant Diether Memmert, grand professeur d’espagnol, ayant assuré l’alternance sur le Nimbus avec moi.

Toujours pour cause de crise économique la compagnie maritime que Klaus et moi utilisions habituellement, MSC, nous a joué un très vilain tour en spéculant sur la vitesse et l’itinéraire des bateaux, générant un retard de 18 jours pour une durée de navigation prévue de 20 jours. Mais si j’avoue avoir été au bord de la crise pendant ces 18 jours d’attente à Buenos Aires, j’ai failli faire un infarctus lorsque j’ai lu le contrat (avec trois paires de lunettes) : la compagnie n’a aucune obligation de livrer le conteneur dans le port prévu, elle peut le déposer dans n’importe quel port à n’importe quelle date dans les 12 mois qui suivent l’embarquement, évidemment sans aucun recours possible ! Jamais plus MSC!
De fait, pour le retour, j’ai choisi une autre compagnie qui nous a livré le planeur au jour et à l’heure prévue à Milan.

La plus grosse anomalie, et ce ne sera une surprise pour personne puisque le phénomène était commun à l’Europe et à l’Afrique du Sud, a été la météorologie en termes de vents et température. Pendant la période historiquement la meilleure, du 15 novembre au 15 décembre, nous avons vécu plusieurs jours successifs de CAVOK à plage et même deux jours de vent d’est avec pluie. Les plus beaux vols ayant eu finalement lieu début janvier malgré des températures très élevées (30°C au sol) et des isothermes 0° supérieurs à 4000 m.

La température a d’ailleurs été une très bonne (ou très mauvaise selon que vous faites du tourisme ou du vol à voile) surprise cette année, avec une surchauffe moyenne en altitude par rapport à l’atmosphère standard de 10° au début du printemps, jusqu’à 18° au début de l’été. Nous n’avons que très rarement utilisé le chauffage électrique et la combinaison spéciale que m’avait préparée KiloYankeePapa (http://www.worldsail.ws/index.php/manufacturers_id/21) n’a jamais pu être testée, il fallait la porter pratiquement toujours ouverte. Pour les amateurs de statistiques, la température à 6.000 m début novembre était voisine de -15° pour passer à -4° début janvier (en atmosphère standard elle est de -27,9°). La température à 8.000 m début novembre était voisine de -28° pour passer à -19° le 15 janvier (en atmosphère standard elle est de -37°). Les températures au sol ont été moins anormales, seule la pluviométrie était fortement déficitaire. Certes il a fait près de 30° au sol le 13 décembre mais seulement 3° le 20 décembre, jour de l’été, avec neige sur la pente et du feu dans la cheminée, mais ça c’est normal en Patagonie.

Ce qui nous ne nous a pas empêché de faire plus de 200 heures de vol en deux mois avec un seul planeur et de n’avoir jamais trouvé le temps d’aller à la pêche à la truite.

Toujours dans le domaine des anomalies, alors que chaque expédition précédente a été marquée par une panne moteur, ce dernier a tourné comme une horloge suisse mais par contre nous avons dû gérer sept autres pannes que je détaillerai plus avant afin que vous puissiez profiter de ces expériences.

Et pour conclure avec les anomalies, il a dû effectivement se passer quelque chose puisque je me suis mis à faire du tourisme avec plaisir et ai finalement connu le glacier noir (ou ce qu’il en reste), le glacier blanc, la forêt d’Arrayanes, la Colonia Suiza et les salons feutrés de LLao LLao! Sans parler des journées crêpes au Dulce de Leche en voilier sur le lac, bref le jour du départ nous a sauté à la figure comme un coup de pieds aux fesses et nous n’attendons tous qu’une chose : repartir ! Petit détail qui n’est pas sans importance, le change du Peso sur l’Euro qui était de 1/1 en 2001 est aujourd’hui à 5,3/1, une fois le billet d’avion payé (env. 1.000 €), ce sont de belles vacances à bon marché !