Eruption du volcan Copahué le 22 décembre

La situation a été celle typique et difficilement prévisible de ces dernières années, avec toutefois l’avantage que l’éruption du 22 décembre du volcan Copahué (photo 17), situé 360 km plein nord de Bariloche, ne nous a aucunement affecté en dehors de la nécessité de rester haut, entre 5.000 et 6.000 m, pour passer au-dessus du panache de cendres lors de tous nos vols vers le nord, ce qui n’a jamais été un problème. L’observation des ondulations du panache (photo 18) montre bien que le déplacement du particule élémentaire dans un phénomène ondulatoire n’est que de quelques centaines de mètres, même si ce phénomène continu jusqu’à, et peut-être même au-delà, de la tropopause.

Ondulations du panache : chaque particule ne se déplace que de quelques centaines de mètres

Les caractéristiques de ces nouvelles situations sont :

  1. Un réchauffement global de la masse d’air beaucoup plus prononcé en altitude qu’au sol. Comme l’an passé, nous avons relevé le plus souvent possible les températures à 6.000 m et même au-delà et avons reporté sur la fig.1 les résultats de nos mesures en parallèle avec le QNH officiel au décollage.
Évolution de la température à 6.000 et du QNH local en fonction de la date

Les mesures effectuées aux altitudes supérieures à 6000 m ont été ramenées à 6000 m selon la loi de l’atmosphère standard (y = 15-0,0065x). La courbe en pointillé rouge relie toutes les mesures de température et le trait continu rouge représente la courbe de tendance de toutes ces mesures. De la même façon les courbes bleues se réfèrent au QNH, échelle de droite. Exactement comme l’an passé, la température moyenne à 6000 m a évolué de -15 °C en début de saison à -11 °C fin décembre début janvier, avec toutefois des variations importantes d’un jour à l’autre, la journée la plus froide étant le 25 décembre avec -21 °C (vent de secteur SW) et celle la plus chaude étant le 30 décembre avec -7 °C (vent initialement de secteur SW tournant à W-NW).
Le réchauffement des couches supérieures est donc de l’ordre de 8 à 12 °C par rapport au standard, entre le début et la fin du printemps austral, ce qui est une énormité à elle seule capable de justifier les faibles énergies (en termes de Vz) rencontrées cette saison. Mais il y a pire encore car plus l’altitude est élevée et plus l’écart par rapport au standard augmente, comme par exemple ce -24,5 °C mesuré à 8500 m le 30/12 contre -40,2 °C standard, soit 15,7 °C de surchauffe. Un délire. Le météogramme de ces journées est reporté en fig.3.

Météogramme de Bariloche du 25 au 29 décembre 2012.

Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à ce que le ressaut du mythique volcan Domuyo soit passé du 15 m/s rencontré en 2002 aux 3-5 m/s de ces dernières années, pour des vitesses de vent comparables voire plus élevées.
On observera sur la courbe rouge continue l’augmentation graduelle de la température moyenne avec l’avancement de la saison, phénomène qui n’était pas évident l’an passé.
Sur la fig 2 nous avons tracé l’évolution de cette même température à 6000 m en fonction du QNH.

Temperature at 6.000m vs. QNH 

La courbe de tendance est très cohérente mais le résultat est surprenant par rapport à nos habitudes, puisque chez nous haute pression au printemps et en été signifie haute température, mais en Patagonie c’est exactement le contraire. Tout simplement parce que les hautes pressions stables nous concernant sont centrées à l’ouest de notre position et compte tenu de la rotation antihoraire des vents anticycloniques et catabatiques, les circulations sont de secteurs sud à sud-ouest arrivant directement du pôle au-dessus d’une mer glacée sans possibilité de se réchauffer sur les terres, tout au plus sur quelques glaciers se déversant directement dans l’océan. Il faut aussi avouer que nous n’avons effectué ces mesures que les jours de vol, donc de vent, et que la situation était peut-être différente lorsque nous étions à la plage.

2. La persistance d’un anticyclone de blocage sur l’Atlantique à notre latitude qui dévie la trajectoire des fronts soit vers le nord soit vers le sud, créant ainsi des divergences et des rotations dont l’effet est négatif pour la stabilité des systèmes ondulatoires. Carte TEMSI typique en fig 4

TEMSI of a typical situation with a blocking high pressure

3. L’apparition périodique d’un anticyclone sur le Pacifique dont le centre est situé à notre latitude, voire même plus bas, générant des flux de sud froids et secs mais de faible vitesse et de nature catabatique, donc descendants. La fig 5montre la situation du 25 décembre générant un flux de sud faible (10 à 20kt) mais suffisant à produire des ondes isolées sous chaque crête et permettant finalement de faire du tourisme dans les profondeurs de la Cordillère, qui se doit d’être invisible les jours de grands vols.

Typical south flow situation, MSL pressure and geopotential  

La Fig.6 montre la distribution des vents à 5.000 m pour cette même journée de Noël, qui met bien en évidence le faible flux catabatique, 20 kt plein sud sur plus de 1.000 km vers le sud, permettant toutefois de jolis vols en grand local.

Winds at 5.000m on December 25th, weak katabatic south flow