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La veille de ce vol, les pilotes ont dû anticiper le retour suite à l’arrivée du front et d’une forte pluie, se contentant d’un petit triangle plat de 1.200 km en 7 heures. J’avais beaucoup d’incertitudes sur la fin du passage du front et de fait il pleuvait encore au petit déjeuner à 7h30. Mais la situation s’améliore et je propose donc de tenter une vitesse sur ce circuit avec un point supplémentaire vers le sud près d’Esquel pour compléter le circuit à un triangle de 1.500 km si les conditions le permettent. Les centres de pression sont à leur place avec une bonne dépression sur l’Atlantique (Fig. 11) qui garantit un flux « tiré ».

Nefoanalysis du 12/12 à 3h LOC

Seuls points noirs : le front qui devrait limiter le vol à 200km au sud et le vent qui devrait passer NW à 600km au nord.

TEMSI du 12-12

Le terrain de jeu fait quand même plus de 800 km de long ! Je suis tout à fait conscient que ce parcours est loin d’être le meilleur pour ce type d’épreuve car il nous faut traverser deux fois le sillage du volcan Lanin qui casse tous les systèmes ondulatoires organisés. L’idéal étant de partir de Zapala, 250 km au nord, mais qui d’après les prévisions nous aurait amené dans une zone où le vent aurait tourné nord-ouest, donc moins favorable.

Dès le départ les choses vont très mal. La montée est très lente, en convergence, 1h15 pour atteindre l’altitude de départ de « seulement » 4.700m. Le point de départ est invisible, noyé dans le front et donc ne donne rien, il nous faut monter en arrière du point et revenir le tourner au-dessus des nuages. Nous sautons vite vent arrière sur la pampa pleine de petits cumulus rotors et partons sur la pointe des pieds en profitant d’une bonne composante de vent arrière (230°-160 km/h). J’attacherai une grande importance au choix de la tranche d’altitude correspondant au vent le plus favorable. Travers Chapelco, je ne suis pas très haut et j’ai du mal à voir la meilleure route vers le Nord car pour aller vite il faut aller tout droit et passer vent plein arrière (donc finesse 100) au-dessus d’une couche soudée longue de 100km dont le top est vers 3.500m et pleine de cailloux vers 2.600m (chaîne de Catan Lil). Je fais l’erreur de perdre six minutes dans les tourbillons du sillage du volcan Lanin pour monter, mais sans succès. Le front entre profondément dans la vallée de Zapala et il faut continuer sous le vent pendant 25km pour trouver le premier ressaut à seulement 3.500m d’altitude, en local de la belle piste de Las Lajas. Pendant cette transition avec 136 km/h de vent arrière, le calculateur nous indique une vitesse sol de 448 km/h, mon record personnel.

Vent arrière au-dessus de Catan Lil à 448 km/h au FL130.

A partir de ce point, le système est bien organisé avec de très beaux rouleaux pendant 150km, la jonction avec la vallée de la Cordillera del Viento est portante et nous y arrivons à 5.200m, soit 1.000m trop haut. Finalement le délire commence comme aux plus beaux jours, il faut accélérer à fond pendant 200km dans un netto initial de +11,7 m/s. J’observe que le vent est moins fort (90-100 km/h) et mieux orienté (260-270°) à haute altitude qu’en dessous de 5.000m et il faut bien optimiser le netto pour rester le plus haut possible à la plus grande vitesse possible afin de profiter de ces avantages, ce qui nous fait flirter assez longtemps avec la Vne entre 7.000 et 8.600m. La photo 15 montre le ciel qui nous attend pour les 200 premiers km du retour, pas extraordinaire mais suffisant.

La clé du record de vitesse a été le cheminement entre Zapala et Chapelco, 120km sans ressaut marqué, vent ¾ de face mais moins fort plus haut, 100-110 km/h contre 130-150 km/h en dessous de 5.000m.
Nous perdons comme prévu 4.000m sans jamais réduire la vitesse, calés à +5 (maximum du Zander) et volant plus vite que demandé, trajectoire gérée à vue pour reprendre le contact le plus bas possible juste au ras des nuages rotors sous le vent du volcan Chapelco (photo 16), là où la Vz est maxi, lesquels sont un «tuyau» de 80 km de long et nous ramènent sur la ligne d’arrivée vers 17h20. La traversée de la plaine vers le point suivant au Sud est faite sur la pointe des pieds car le front entre exactement comme prévu au-delà de l’aéroport international de Bariloche que nous devons contourner par l’Est à 20km. Les énormes rotors et lenticulaires d’Esquel nous ferons commencer le plané final au km 250 à 3.600m sous le plan à la moyenne de 295 km/h. Record du monde battu et au moins 4 records US, et ce malgré mon erreur qui a coûté 6 minutes. Le bonheur pour Philippe! Et bravo aux prévisionnistes météo.

Le ciel du retour vu du point de virage des 1.000 km

Rouleaux sous le vent de Chapelco vers Bariloche. Entre les deux barres, la vallée du Rio Collon Cura.