Nous passerons donc du paradis à l’enfer en choisissant Calama, dont l’aéroport public est totalement sécurisé, 1.450 vols en novembre et l’accord de la DGAC pour y pratiquer notre activité pendant un mois avec dérogation jusqu’au FL240. Petite surprise : il n’y a pas d’AVGAS, nous devrons faire 300 km en voiture pour aller remplir les bidons.

Notre parking est situé juste en face du dépôt de carburant, mais il n’y a pas d’AVGAS. Contraints de faire 300 km en voiture avec des bidons, qu’il faut ensuite faire entrer dans l’enceinte sécurisée de l’aéroport. Pourquoi ce moteur ne donnait pas le plein régime avec le Super 98, cela restera pour moi un mystère. La « camioneta » de Jean-Pierre, visible devant le planeur, nous a bien aidé.

Vue de la ville après le décollage, avant le virage vers le Nord. Nous habitions en plein centre, à 10 min de l’aéroport. On notera la verdure à l’Ouest du Rio El Loa. En dehors, c’est le désert et les mines.

En temps qu’oasis, Calama a toujours été un point de passage obligé pour les Atacamènes et les Incas, puis les Espagnols. Le salpêtre, composant principal de la poudre noire et des engrais, a été pendant des siècles la principale richesse du Chili, et point de départ de la guerre du Pacifique (1879) qui a conduit à la perte de l’accès à la mer par la Bolivie (Antofagasta) et la perte d’Arica pour le Pérou. La tension entre les deux pays est permanente, la Bolivie n’a pas d’ambassade au Chili, et mes pilotes chiliens étaient terrorisés à l’idée de devoir mettre leurs ailes en territoire bolivien pour passer en onde. L’exploitation du salpêtre a été totalement abandonnée (villes fantômes visitables), richesse aujourd’hui remplacée par le lithium. La métallurgie a toujours été exploitée par les populations les plus anciennes pour y extraire le cuivre, l’or et l’argent. L’intérêt principal étant la présence du Rio El Loa, dont le débit lui permet de couler jusqu’à la mer alors que les autres cours d’eaux se perdent dans le désert. L’eau et le sel sont des ressources fondamentales dans la métallurgie.

La ville oasis de Calama, 150 000 habitants et son aéroport international. Tout le massif montagneux au Nord de la ville est une gigantesque mine de cuivre à ciel ouvert qui inonde la ville de poussière, surtout pendant la nuit avec la brise descendante. Calama a de particulier qu’il n’y a jamais vraiment plu, faisant de l’endroit un des plus secs au monde avec une moyenne annuelle de précipitations de 5 mm. Le sous-sol regorge d’eau ce qui permet de donner cette impression de verdure, totalement artificielle.

Le guide « Petit Futé » définit Calama comme la ville des 3 P : Polvo (la poussière), Perros (les chiens) et Putas. On m’avait prévenu, mais je n’avais pas le choix.

Pour le 1er P, Calama est victime de la richesse de son sous-sol. C’est la capitale minière du Chili, siège de la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert du monde, un trou de 1.200 m de profondeur, laquelle inonde le paysage d’une poussière toxique, bien que naturelle, avec un taux d’arsenic 600 fois supérieur au maximum autorisé pendant les heures de brise descendante (15 kt d’Est de la tombée de la nuit jusqu’à dix heures du matin), et trente fois supérieur à ce même taux pendant la brise montante (20 à 30 kt d’Ouest de onze heures jusqu’à la tombée de la nuit). Et ne vous avisez pas de goûter à l’eau du Rio El Loa ou des puits, elle contient 0,87 g/l d’arsenic, présent naturellement mais poison quand même. Chaque puits privé possède son installation d’osmose inverse.

Ce trou est profond 1.200 m. Le minerai est extrait par dynamitage des parois, qui génère cette poussière infernale.

Le complexe minier dans son ensemble. Le village ouvrier, 8 500 personnes, a du être fermé pour cause de pollution atmosphérique et sa population déplacée en ville.

LES TREMBLEMENTS DE TERRE ET LES VOLCANS ACTIFS

Ont été la hantise permanente de mon épouse, surtout après celui du 29 novembre, magnitude 4,8. En pleine nuit, le lit se met à osciller en tapant contre le mur, et c’est ce qui m’a réveillé. Le temps de se dire « je suis encore en vie, c’est fini, donc je reprends mon sommeil ». En fait, je n’étais pas trop inquiet car nous habitions dans un immeuble récent construit aux normes antisismiques. Certes, plus on est haut et plus c’est impressionnant, nous étions au 7ème étage. J’ai alors compris pourquoi la plupart des vitres étaient fissurées.

En-dessous de magnitude 6, les chiliens n’y prêtent même pas attention, ils appellent cela un « tremblor », un tremblement, sans aucune conséquence. Au-dessus, c’est un « terremoto », un séisme, il peut y avoir des destructions, ou pire, des tsunamis, comme celui de 2010 à Concepción de magnitude 8,8, faisant 525 victimes et 2 millions de sinistrés, la mer ayant balayé la moitié de la ville. Lors de mon expédition de 2016, nous avons dû séjourner dans cette ville dont les plaies étaient encore bien visibles, au 10ème étage de l’hôtel Ibis, et avons vécu un « tremblor » de magnitude 6. Dans les couloirs, il n’y avait que des étrangers, les chiliens n’étaient même pas sortis de leur lit. J’avais déjà adopté cette attitude à Calama.

Après le tremblement de Calama, nous avons téléchargé une application qui nous informait de toutes les activités sismiques aux alentours, c’était l’enfer, il y en avait partout, tous les jours. Je l’ai rapidement désinstallée, c’était inutile, un stress permanent et de toutes façons, quand on le sait, c’est trop tard.
D’ailleurs, comment peut-on imaginer aller vivre au milieu de la plus grande chaîne de volcans au monde, dont beaucoup sont actifs, au bord de la fosse océanique, le long de la ligne de subduction, là où la plaque de Nazca fait surgir ces volcans en s’enfonçant au rythme de 8 cm par an sous le continent sud-américain, sans en subir quelques désagréments ? Le Chili n’a donc pas fini de bouger.

Quelques statistiques à Calama, à la date du 16 juin 2020 :
• 4 tremblements dans les 7 derniers jours
• 19 tremblements dans les 30 derniers jours
• 120 tremblements dans les 365 derniers jours

A San Pedro de Atacama :
• Un tremblement magnitude de 4,5 cette semaine
• Un tremblement magnitude de 6,8 ce mois
• Un tremblement magnitude de 6,8 cette année

 

Dans les villes côtières, les voies d’évacuation en cas de tsunami sont signalées à chaque coin de rue. Nous sommes à Caldera, étape obligatoire à mi-chemin entre Santiago et Calama. C’est la porte d’entrée du désert d’Atacama.

 

Même à l’intérieur du pays, tout est prêt pour l’évacuation. Le volcan Villarica a explosé en mars 2015, projetant flammes et pierres à très haute altitude. Nous l’avons survolé et photographié maintes fois pour observer le lac de magma rouge, en fusion, au centre du cratère.

Le cratère du volcan Villarica  en novembre 2004. Photo Claus Dieter Zink.